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Ah ouais t’es féministe ?

  • Libres Plumes
  • 3 mai 2020
  • 5 min de lecture

par Marguerite Tilly


Il y a quelques semaines déjà, alors que je venais de lancer le site Libres Plumes, que j’étais excitée à l’idée de voir le projet grandir et heureuse d’être soutenue par de nombreux amis, j’ai partagé le lien du site sur une conversation pour inciter mes amis à aller le voir. Et là j’ai eu le droit à « Ah ouais Marguerite, t’es féministe ??? ». Un tel étonnement m’a fait réaliser oh combien, encore aujourd’hui, se dire féministe nous range automatiquement dans la case « meuf militante non docile et quelque peu enragée ». C’est bien dommage.


La féministe est pour trop de monde encore aujourd’hui une grande gueule, qui, non satisfaite de sa condition, se révolte. La féministe, vue ainsi, dérange ceux qui la repoussent pour le simple fait qu’elle prend de la place, qu’elle s’attaque au patriarcat avec virulence et puis, voyons, qu’il n’est pas commode qu’une femme n’agisse pas avec douceur et réflexion. Ce sont les femens qui osent montrer leurs seins. Voilà, aujourd’hui encore, être féministe c’est presque être aussi extrême qu’une femen. Bien que les méthodes d’action des femens me laissent parfois perplexe, je ne souhaite pas les critiquer ici, elles font la plupart du temps preuve d’un courage dont je ne suis pas dotée, et ce n’est pas le propos.


Cela m’importe peu qu’on me prenne pour une jeune femme enragée, mais je vois bien qu’une telle conception des choses pose deux problèmes principaux. Le premier est que si l’on me voit comme telle, mon propos est de fait discrédité. Personnellement, si je sais qu’une personne est généralement extrême dans ses propos, je vais naturellement nuancer ses paroles et mettre un filtre sur ses mots. Or la grande majorité des discours tenus par les différents mouvements féministes sont le reflet d’une réalité qui ne doit pas être nuancée. C’est l’entière réalité. On n’exagère pas quand on parle des violences faites aux femmes, d'harcèlement quotidien ou encore des droits sociaux inégalitaires. Le deuxième problème lié à cette vision des féministes est qu’il rend la lutte peu attractive. Nombreuses sont les femmes à ne pas oser se proclamer féministes par peur des jugements que cela entrainerait et des critiques auxquelles elles devraient faire face. Une fois qu’on se proclame féministe, il faut en quelque sorte sans cesse prouver qu’on l’est. Les gens autour de soi observent et sont à l’affut pour vérifier que nos actions sont bien toutes en lien avec ce que l’on prétend être. Toute femme ouvertement féministe a déjà dû faire face à des réflexions comme quoi telle action ou tel propos « n’est pas très féministe », « sois cohérente ».


Être féministe, c’est tout simplement œuvrer à l’égalité des sexes, par le militantisme mais également par le partage d’opinions et de réflexions sur les réseaux sociaux comme les féministes pop ou simplement par des actions au quotidien. L’émancipation totale de la femme, l’acquisition de l’ensemble des droits masculins ou encore la fin du patriarcat sont au cœur de la réflexion féministe. « We should all be feminist » a proclamé Chimamanda Ngozi Adichie. La simple condition de femme fait de vous une féministe. J’ai grand mal à envisager qu’une femme ne souhaite pas obtenir les mêmes droits qu’un homme, qu’elle reste de marbre face aux différentes injustices qu’elle rencontre tout au long de sa vie. En outre, si le terme « féminisme » peut sembler exclusif puisqu’il vient du latin femina qui veut dire femme et n’associe donc pas les deux sexes, le terme induit simplement la revendication des droits des femmes pour obtenir l’égalité avec nos confrères masculins, on ne parle pas de je ne sais quelle suprématie féminine.


Mais d’où vient cette conception de la féministe enragée ?


Je vois deux sources à cela. La première est que nombreux sont les hommes à déformer les propos féministes et à vouloir les tourner au ridicule. Puisqu’elles veulent davantage de droits, elles représentent une menace et il faut donc agir. Ainsi l’image de la féministe en tant que femme qui délaisse son foyer est beaucoup véhiculée et depuis longtemps. On peut le voir dès le moment où les femmes ont commencé à réclamer des droits nouveaux. Le film Les Suffragettes le montre bien. Carey Mulligan incarne une jeune épouse et mère qui rejoint petit à petit le mouvement des Suffragettes en Angleterre. Son mari et ses voisins finissent par la voir uniquement comme une mère et une épouse indigne qui quitte son foyer pour se battre pour ses droits. Il était également égoïste pour une femme d’aller travailler car cela signifiait qu’elle ne pouvait plus s’occuper de son enfant. Bien sûr, nous n’en sommes plus là aujourd’hui, du moins en France, mais les discours n’ont que peu variés. La féministe c’est une femme trop libérée.


Je vois la deuxième source de ce problème dans la virulence et la rigidité de certains mouvements féministes qu’on ne peut en effet nier. Je ne peux que comprendre l’énervement de ces mouvements (l’inaction des gouvernements à certains moments ou encore la partie de sourdes oreilles qui se joue entre des personnes qui pourraient agir) mais je ne peux également que condamner la virulence qu'il entraine parfois. Ce n’est pas comme cela qu’on fera avancer les choses. Les féministes sont considérées comme des femmes excitées ? Bien, agissons donc à contre-courant. Face à tous les détracteurs du féminisme, il faut agir de manière à ne pas leur donner matière à nous décrédibiliser. Ils veulent nous faire passer comme inaptes à demander ces droits ? Bien, montrons-leur calmement leur stupidité et l’incohérence de la société qu’ils souhaitent conserver. Je ne parle pas de douceur, la femme n’en est pas un synonyme, je parle de sang-froid, de tempérance. Cela est nécessaire car ce qui importe dans un premier temps est de convaincre toutes les femmes que derrière le terme « féminisme » on parle bien de leurs droits, d’un combat qui les concerne. Comment réussir à exiger des droits quand les personnes pour lesquelles nous les exigeons ne sont pas convaincues de la démarche ?


Le féminisme appelle à un changement or le changement fait peur. Les féministes effraient car elles souhaitent bouleverser l’ordre établi. Ce serait tellement plus simple de ne rien faire, c’est fatigant de s’indigner, l’acceptation de sa condition est bien plus reposante que sa dénonciation. Elles effraient car leurs exigences sont synonymes pour certains hommes de réduction de liberté et de menace pour leur pouvoir. Cela fait peur également à certaines femmes car il est vrai qu’il faut du courage pour se dresser face à ce qui existe déjà, pour tout simplement dire non.


Je réponds à ces hommes que la peur de voir s’amenuir leur pouvoir montre bien que leurs droits empiètent largement sur ceux des femmes. Et à ces femmes, je réponds que je ne leur demande pas d’aller demain manifester dans la rue. Je les incite à revendiquer à leur manière leurs droits. Il existe un grand nombre de mouvements féministes, ce n’est pas parce que certains mouvements sont trop « extrêmes » pour vous qu’il faut rejeter le tout. Le féminisme, c’est aussi et surtout un mode de pensée qui permet de se débarrasser du prisme inégalitaire existant.

 
 
 

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