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Le DIU cuivre chez les nullipares ou une question de philosophie

  • Libres Plumes
  • 16 avr. 2020
  • 7 min de lecture

par Léa Faucheux


Le DIU (dispositif intra-utérin) ou stérilet cuivre est de nos jours le seul moyen de contraception non hormonal qui soit durable (j’exclue les préservatifs masculin et féminin) et réversible (j’exclue la stérilisation définitive, de l’homme comme de la femme). Apparemment comme les autres, il poserait pourtant un problème de « philosophie » pour les femmes nullipares, c’est-à-dire celles n’ayant jamais eu d’enfant : du point de vue du personnel médical et de la société, cela est considéré comme socialement déviant, voire moralement incorrect. Autrement dit, porter un stérilet en étant jeune irait à l’encontre des bonnes mœurs. Refusant catégoriquement de prendre une contraception hormonale, j’ai tout de même décidé à 18 ans de m’en faire poser un : une épreuve qui n’a pas été facile, un combat même. A travers ce récit, j’aimerais partager mon expérience et dénoncer les normes qui pèsent autour de lui.

Toute femme ayant des rapports sexuels avec des hommes est confrontée à un moment donné de sa vie à la question de la contraception, qu’elle entame une relation stable, ou pas. Vient alors la question du moyen de contraception : la pilule ? c’est le premier qui vient, tant dans la tête des femmes que dans la bouche des médecins. Comment expliquer cette hégémonie de la pilule ? Pourquoi ne pas informer suffisamment les femmes sur les autres moyens, leur proposer, et leur laisser le choix ?

Les normes sociales pèsent en fait si lourdement sur les femmes qu’elles en viennent à dessiner des trajectoires de contraception : la pilule avant les grossesses, le stérilet après. C’est en tout cas la trajectoire majoritaire en Europe, et surtout en France : selon le Baromètre Santé Français 2016, près de 50 % des françaises de 15-30 ans prennent la pilule, et autour de 35% de celles de 30-50 ans portent un stérilet (hormonal ou cuivre). Ces normes se révèlent aussi dans le langage. Le terme médical Dispositif Intra Utérin est un terme neutre, alors que le terme stérilet laisse présager que son port rendrait stérile… et donc qu’on pourrait le porter qu’après avoir eu des enfants. Une idée totalement fausse !

Voici comment le DIU fonctionne. Inventé en 1962, le DIU est un petit dispositif en forme de T, de 3 à 4 centimètres, le fil de cuivre qui l’enroule empêche les spermatozoïdes d’atteindre l’ovule et empêche la fixation de l’ovule dans l’utérus. Son action est efficace dès la pose, pendant 5 ans, et évite à hauteur de 99% d’éviter une grossesse, ce qui en fait le moyen de contraception le plus sûr. Il peut être retiré à tout moment, et peut aussi être utilisé comme contraception d’urgence (jusqu’à 5 jours), une alternative à la pilule du lendemain très perturbatrice des cycles hormonaux. Sa pose est rapide et se fait chez un gynécologue. Il a tendance à causer des douleurs menstruelles plus fortes et à rendre les règles plus abondantes. Il en existe deux types : un petit pour les nullipares (car leur utérus est tout petit), et un standard pour les femmes ayant eu un ou plusieurs enfants. Son coût est très bas : environ 30 euros remboursés aux deux tiers par la sécurité sociale. On ne doit pas le confondre avec le stérilet hormonal, bien plus répandu, dont le fonctionnement est le même que les autres contraceptions hormonales.

Malgré ces faits, le stérilet cuivre continue d’être pour les nullipares le vilain petit canard des moyens de contraception. Voici mon témoignage :

J’ai eu à 18 ans l’envie de prendre une contraception. Je n’étais pas en couple. Après un « accident de préservatif » j’ai pris conscience de mon pouvoir de procréer, cela m’a fait peur, et j’ai voulu devenir maître de mon corps. Un peu comme tout le monde, je me disais que j’allais prendre la pilule. Cependant, je ressentais déjà une espèce de réticence vis-à-vis des hormones. J’ai beaucoup lu sur le sujet, et j’ai découvert l’existence du DIU cuivre, non hormonal mais créant la polémique.

J’ai pris rendez-vous chez mon médecin pour en discuter, il m’a listé les moyens existants et m’a expliqué le fonctionnement des hormones sur le corps. A ce moment, j’ai eu révélation : je ne prendrai jamais d’hormones. Ce qui m’a frappé et dérangé ? Le fait que les hormones bloquent l’ovulation, et donc le fonctionnement normal du cycle menstruel. Quelque chose assez méconnu des femmes qui prennent la pilule, souvent par convention. J’ai senti comme une atteinte à la naturalité de mon corps, comme si on s’emparait de moi, et cela m’a rendue très mal à l’aise. Déjà la conscience féministe et écologique bien affirmée, j’ai senti que la contraception hormonale n’était pas faite pour moi. J’ai soumis l’éventualité de prendre un stérilet cuivre à mon médecin qui m’a répondu : « Il y a une mode autour du stérilet cuivre chez les jeunes, je n’ai pas de problème de philosophie avec ça, mais il y a une mode sur le fait que les hormones sont mauvaises pour le corps, vous savez les pilules d’aujourd’hui créent beaucoup moins d’effets secondaires qu’auparavant, et elles ne modifieront pas votre manière d’être, vous resterez la même ». Ces phrases que j’ai gardé en mémoire m’avaient laissée très perplexe : d’abord parce que les hormones ont évidemment un impact sur le corps, ensuite parce que je me suis sentie trahie par mon médecin, qui m’avait accompagnée depuis toute petite, qui venait de porter un jugement de valeur.

Pendant plusieurs semaines j’ai muri mon projet. Au début j’avais l’impression que c’était ma seule option pour ne pas prendre d’hormones, je me sentais obligée de subir la pose et les effets secondaires. Cependant, on a toujours le choix, et ma volonté de ne pas prendre d’hormones a supplanté mes peurs. J’ai alors pris rendez-vous chez une gynécologue. Mes amies me disaient : « Pourquoi ne prends-tu pas la pilule ? » « Tu sais ça ne va rien te faire, je n’ai pas de sautes d’hormones moi », « Je n’ai pas pris de poids, j’ai eu moins d’acné et en plus j’ai grossi des seins c’est cool ». Intérieurement ces paroles me choquaient, j’avais envie de leur répondre que c’était bien à cause des hormones que ces changements étaient arrivés, que le corps ne doit changer que par lui-même. Pire : « Tu sais ma tante, son stérilet lui a percé l’utérus », « Tu vas devenir stérile », « C’est très dangereux ». Il faut savoir que les risques de « cas grave » sont identiques entre la pilule et le stérilet, à hauteur de 2%. C’est alors que je me suis sentie seule, incomprise et non soutenue dans ce choix. Dans leurs remarques, mes amies anticipaient même la réticence des médecins à me poser un stérilet : « Ils ne voudront jamais », « Tu vas avoir du mal à trouver un gynéco qui acceptera ». Et bien il suffisait de s’y confronter.

Arrive le moment du rendez-vous, j’ai dit que je voulais prendre une contraception. On m’a tout de suite répondu « Je vais te prescrire la pilule x », j’ai immédiatement rétorqué « non, je veux un stérilet cuivre ». Très surprise, elle m’a dit « Très bien, je n’ai pas de problème philosophique particulier à poser un stérilet cuivre à une nullipare ». La semaine suivante, mon stérilet était posé. J’ai eu le courage de dire non à la pilule, car j’avais fait mon choix avant. Mais la plupart du temps les médecins choisissent pour nous sans que l’on s’en rende compte, sans que l’on ait le recul et la liberté de réfléchir à tout ce qu’implique un moyen de contraception particulier.

Je vous avoue que la pose n’est pas une partie de plaisir, ni les douleurs qu’elle accompagne les quelques jours suivant – les fameuses contractions de l’utérus ressenties en puissance 1000 lors de l’accouchement – qui sont dues au fait que le corps tente de rejeter un corps étranger. En revanche je me suis toute de suite sentie libérée, maître de mon corps et en sécurité. Plus de stress d’accident, et pas de charge mentale (notamment sur l’oubli de la pilule). J’avais fait le bon choix et j’en étais heureuse. Mes trois premiers cycles suivant la pose m’ont causé de fortes douleurs au moment des règles, mais elles allaient decrescendo. J’ai toujours depuis des douleurs menstruelles plus fortes qu’auparavant, par contre mon flux n’est pas plus abondant, il l’est même parfois moins qu’avant. Il faut bien noter que chaque femme réagit différemment : certaines n’ont aucune douleur, d’autres ne le supportent pas et le retirent.

J’ai rencontré cette année des amies qui portaient un DIU cuivre, ou qui souhaitaient s’en faire poser un. Cela m’a fait beaucoup de bien car j’ai trouvé la compréhension qui m’avait manqué par le passé. Et surtout du soutien, parce que dès que l’on ressent une douleur anormalement forte, ou que des saignements hors règles arrivent, on a tendance à se dire qu’il y a un problème et c’est la panique. Cependant cela est très souvent psychologique. Les rendez-vous de contrôle sont justement là pour vérifier que tout va bien, et en cas de fort doute on peut aller voir un gynécologue.

A travers ce texte je ne souhaite faire aucune recommandation. Je souhaite seulement indiquer aux femmes que le choix de leur contraception est entre leurs mains, et que le règne de la pilule n’a pas lieu d’être. Pour cela, je leur recommande de se renseigner plus en profondeur sur les moyens de contraception, leur fonctionnement et leurs effets, afin qu’elles puissent choisir en pleine conscience celui qui leur convient le mieux. J’espère aussi avoir redonner au DIU cuivre ses lettres de noblesse. Il n’est porté que par 5% des femmes de moins de 30 ans. Et 1/3 des gynécologues refusent encore aujourd’hui d’en poser un à une nullipare, aucun n’acceptait il y a 20 ans. A mes yeux, libérer la parole, c’est libérer les femmes.

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