top of page

Un jour mon prince viendra

  • Libres Plumes
  • 22 mars 2020
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 mars 2020

par Marguerite Tilly


Lorsque je me suis intéressée aux inégalités femmes-hommes, je me suis posé la question de leurs sources. Comment ? Pourquoi ? Quel est le processus déclencheur ? J’étais certaine d’une chose : les hommes misogynes ne naissent pas misogynes. La source de tout ça devait être une construction dès la naissance. J’ai rapidement compris que l’éducation était la cause, mais également la solution, de ces profondes inégalités.


Je ne parle pas ici uniquement de l’éducation fournie par les parents. Bien évidemment, on peut se douter que si un jeune garçon évolue dans un environnement profondément misogyne, il risque de le devenir lui-même, tout simplement car ce petit garçon va prendre la figure paternelle en modèle. Tout comme une petite fille risque plus facilement d’être soumise à son mari si sa figure maternelle lui montre par ses gestes et ses propos quotidiens que son être se définit principalement par sa qualité d’épouse et de mère.


Néanmoins, il serait erroné, sinon injuste, de mettre la pleine et lourde faute sur l’éducation parentale. L’éducation se fait également via des éléments extérieurs à cette dernière. Je l’ai notamment véritablement réalisé lorsque j’ai assisté en 2018 au concours d’éloquence féministe annuel de la Fondation des Femmes, le prix Gisèle Halimi, à la Maison de la Radio. Typhaine D, grande gagnante du concours, avait écrit un texte qui avait fait raisonner en moi nombre d’idées et de souvenirs. Elle expliquait notamment que de nombreux contes pour enfants étaient pleins de préjugés et d’idées sexistes. Blanche Neige, Cendrillon, La Belle au bois dormant, tous sexistes, tous aidant à la construction d’une société fondamentalement inégalitaire.


Prenons l’exemple de La Belle au bois dormant. A son baptême, la petite fille reçoit de ses marraines les fées les qualités les plus admirables pour une jeune fille. Je cite, d’après le conte de Charles Perrault,


« On donna pour Marraines à la petite Princesse toutes les Fées qu'on put trouver dans le Pays (il s'en trouva sept), afin que chacune d'elles lui faisant un don, comme c'était la coutume des Fées en ce temps-là, la Princesse eût par ce moyen toutes les perfections imaginables. Cependant les Fées commencèrent à faire leurs dons à la Princesse. La plus jeune lui donna pour don qu'elle serait la plus belle du monde, celle d'après qu'elle aurait de l'esprit comme un Ange, la troisième qu'elle aurait une grâce admirable à tout ce qu'elle ferait, la quatrième qu'elle danserait parfaitement bien, la cinquième qu'elle chanterait comme un Rossignol, et la sixième qu'elle jouerait de toutes sortes d'instruments à la perfection. ».


Je me suis permise de souligner plusieurs éléments intéressants. Si on comprend bien, en lisant ce merveilleux conte, les attributs de perfection pour la jeune fille ne sont autres que la beauté, la grâce, la douceur, etc. Elle n’arrivera d’ailleurs pas seule à échapper à sa malédiction. Il lui faudra attendre cent ans qu’un jeune homme fort, capable de lever tous les obstacles qui se dressent devant lui, la sorte de son sommeil par un baiser non consenti. Alors que je lisais, écoutais ou regardais La Belle au bois dormant, je me couchais en me rêvant princesse, jeune femme sans défaut, belle, douce et ayant pour seul projet d’accomplissement la rencontre de mon prince charmant qui viendrait me sauver d’un danger quelconque. Pauvre princesse que j’étais, je ne pouvais me défendre seule. Moi, jeune demoiselle pure, aux bonnes manières, et respectable j’attendais mon homme libérateur.


On a beau être un parent essayant de faire attention à transmettre une éducation non sexiste, il est presque impossible, à cause de nombreuses pressions extérieures, de ne pas ancrer dans la tête de nos enfants certains idéaux misogynes. Avec mes deux sœurs, nous n’avons pas été élevées dans la famille la plus féministe qui soit mais nous avons tout de même reçu des fondements d’égalité et des idées selon lesquels nous devions réussir par nous-même et notre condition de femme ne devait être aucunement une barrière. Je n’ai néanmoins pas pu m’empêcher, jeune fille, de développer des idées et rêves sexistes. Bien évidemment, les exemples sont multiples. A part ces contes et dessins animés on peut également citer toutes les publicités de maquillage, de parfum et de vêtement. Mais le conte est ce qui me révolte le plus. La société s’attaque ici aux mentalités enfantines, elle tord, modifie, pervertit les cerveaux de petites filles et petits garçons. Lutter pour l’égalité femmes-hommes nécessite de s’attaquer à la cause du problème, la source misogyne qui enferme femmes et hommes dans des idées fausses dès leur plus jeune âge.


Tiphaine D a mis en scène Contes à rebours, une pièce qui traite de ce sujet. Elle en a également fait un livre paru dans la collection Les Solanées ! que vous pouvez vous procurer en ligne ou à Paris chez Violette and co.


Je ne peux évidemment pas finir cet article là-dessus. Ce serait en effet nier, ou du moins cacher, une évolution réjouissante. En parallèle de l’évolution de la situation des femmes, les contes et dessins animés se sont quelque peu adaptés. On voit aujourd’hui apparaître sur nos écrans des dessins animés moins sexistes comme La Reine des neiges, Elsa n’a pas besoin d’un prince charmant pour être une reine forte, ou encore Rebelle. Dans quelques années je souhaite que ma fille se reconnaisse et se construise en jeune femme indépendante, forte, aux idées assumées et à la soif de vivre pour ce qu’elle est en tant que femme et non en tant qu’épouse ou mère ; et que mon fils souhaite devenir l’un de ces héros, encore trop rares aujourd’hui, qui ne se définit pas uniquement par sa force physique, son incapacité à s’émouvoir et son obligation stupide de rester de marbre devant tous les problèmes de la vie.


Ainsi face à la difficile tâche de transmettre une éducation à nos enfants, adapter ces contes est sinon une nécessité, du moins une aide précieuse, pour transmettre les valeurs d’égalité des sexes et de respect.





Comments


Post: Blog2_Post

©2019 par ~Consœur~. Créé avec Wix.com

bottom of page